La dette émergente présente-t-elle des risques de surchauffe ?

Par Guillaume Adjogah

Depuis le début de l’année, plusieurs articles parus dans les journaux économiques (notamment les Echos du 14 mai et l’Agefi du 7 mai derniers) mettent en garde les investisseurs sur les risques d’explosion d’une possible bulle spéculative sur les obligations souveraines des pays émergents.

L’Emerging Portfolio Fund Research (EPFR), organisme anglais qui fournit de l’information financière sur les fonds émergents, estime que ces derniers ont enregistré une collecte de 26 milliards de dollars depuis le début de l’année. Cette classe d’actif réalise d’ailleurs la deuxième meilleure performance au niveau de la croissance de ses encours (+8 %) sur la même période. Les raisons de cet engouement pour cette classe d’actif considérée comme traditionnellement risquée sont multiples.

En premier lieu, les taux offerts dans les pays développés sont tellement bas – la moitié du stock mondial d’emprunts d’Etat offre des rendements inférieurs à 1 % – que les gérants de fonds sont obligés d’aller chercher les rendements là où ils se trouvent, d’autant plus que la solvabilité des pays avancés est, quant à elle, régulièrement remise en question.

De plus, la croissance économique des émergents reposant sur des bases réelles, le risque associé s’en trouve de plus en plus réduit. En effet, sur la dernière décennie, on constate une amélioration régulière des économies émergentes tant au niveau de la demande intérieure que de la stabilité politique et sociale. Le rating de ces pays suit logiquement cette tendance et se trouve régulièrement augmenté par les agences de notation.

Cependant la demande sur cette classe d’actif est tellement forte que les taux offerts diminuent significativement et en deviennent inférieurs au risque associé. A titre d’exemple, le Rwanda, noté B par S&P, a levé 400 millions de dollars fin avril. Cet emprunt, qui représente 5,5 % de son PIB 2012, a rencontré une demande dix fois supérieure à ce qu’il avait prévu. Le résultat : un rendement à 10 ans de 6,875 % soit l’équivalent, à même maturité, des taux d’emprunts payés par le Portugal (noté BB) ou la Slovénie (notée A). Autre exemple encore plus parlant, le Panama qui a levé le 22 avril un emprunt obligataire de maturité 40 ans à un taux de 4,3 % ! En comparaison, les analystes crédit de Bank of America Merryl Linch signalent que « sur les 50 dernières années, les Treasuries américains à 30 ans n’ont traité sous les 4,3 % que pendant 10 % du temps ». On rappelle qu’au-delà d’une période de 25 ans, les taux de coupons sont moins sensibles à la maturité.

Evolution de l'indice JPM Emerging Markets Bond Index Plus sur la période mai 2012 - mai 2013

Evolution de l’indice JPM Emerging Markets Bond Index Plus sur la période mai 2012 – mai 2013

Finalement les marchés émergents représentent tout de même :
• 85 % de la population mondiale
• 80 % des réserves globales de devises
• 77 % de la superficie de la Terre
• 63 % de la production mondiale de matières premières

Dans ces conditions, il est difficile pour les investisseurs de ne pas croire en leur potentiel de croissance. La capitalisation de l’indice JP Morgan des marchés émergents traduit bien ce sentiment. En effet, celle-ci a quasiment doublé depuis 2008 et atteint actuellement 2,5 milliards de dollars. Et vous que pensez-vous de la valorisation actuelle de la dette des émergents ?